Petites manigances avec le cosmos
Appliquer la loi du karma sans en comprendre la substance, c’est le pari un peu risqué que font certains courants néo-spirituels occidentaux. Le résultat : une appropriation culturelle dérégulée qui fait le lit de nouvelles illusions et fantasmes dans le monde spirituel.
Le karma, nouvel argument de vente de l’industrie du bien-être, est en passe de devenir un mot d’usage courant en Occident. « C’est mon karma » entend-on pour résumer une situation désagréable sur laquelle aucune force ne peut agir.
Un détournement de la notion si profond qu’elle deviendrait presque synonyme de chance. Si l’infortune s’abat, c’est que le hasard ne joue pas en la faveur de celui qui se cache derrière ce malheureux karma. Or, l’étude de la notion révèle une connaissance diamétralement opposée.
« L’ignorance de la loi du karma, de sa nature exacte, de ses tenants et aboutissants est l’un des grands fléaux de l’époque moderne. Elle ouvre toute grande la porte à une conception primaire, voire sauvage de la liberté ; elle développe l’arrogance et la volonté de puissance chez l’être humain et le conduit à arpenter le chemin scabreux du prométhéisme » propose Gérard Chinrei Pilet, moine bouddhiste de la tradition Zen Soto, professeur de philosophie et auteur.
Loin d’être la première réappropriation culturelle fantasmée par certains courants néo-spirituels, il est possible de recadrer cette tendance licencieuse par la pratique d’une Voie spirituelle encadrée. Alors pourquoi le karma revisité rencontre un si grand succès ? Quelles confusions et illusions nourrit-il ? Comment se prémunir d’une telle incompréhension ? […]
Avoir ou Être un karma, c’est une réflexion que propose Sandy Hinzelin dans son ouvrage « Les 12 lois du Karma ». Elle ouvre la porte à l’une des grandes méprises contribuant à distordre la notion de karma. « Avoir un karma suggère une compréhension grossière de la notion. Implicitement, l’idée est donnée que le karma se greffe à nous, qu’il est un ajout à quelque-chose. Mais quel est ce quelque- chose dans ce cas ? » questionne-t-elle. […]
Sarah Leclerc
Dans Inexploré le Mag, Hiver 2024, n°61, pp.55-58.