Le yoga tibétain Kum Nyé, Entretien avec Sandy Hinzelin
Sagesses Bouddhistes le Mag, Automne 2023, p.30 et s. Propos recueillis par Philippe Judenne (extraits)
“Quel était votre besoin ?
J’ai commencé la pratique bouddhiste avec la méditation assise essentiellement. À un moment donné, j’ai senti que je plafonnais dans ma pratique méditative, comme si je me sentais bloquée pour progresser davantage. Certaines expériences commençaient aussi à s’élever dans le corps et je ne me sentais pas accompagnée sur cet aspect. Souvent on me renvoyait à la pratique du calme mental et on me disait : « impermanence, équanimité, ça va passer », alors que je sentais un vrai besoin au niveau corporel pour comprendre ce qui se passait, et pour avancer dans la méditation – parce que je sentais bien que je faisais du surplace.
Pourquoi le Kum Nyé ?
Mon souhait était d’essayer un yoga cohérent avec un cadre théorique bouddhique puisque je faisais à l’époque ma thèse sur la nature de Bouddha. Je savais qu’il existait des yogas qui étaient pratiqués dans le vajrayana, mais ceux-ci n’étaient enseignés qu’au sein des retraites traditionnelles de trois ans ou plus, retraites dans lesquelles je ne souhaitais pas m’engager car ce n’était pas mon projet.
Après avoir rencontré Arnaud Maitland qui est en charge de la transmission de Kum Nyé, j’ai commencé à le pratiquer et à l’apprendre. Cela m’a tout de suite parlé. Ce yoga m’apportait des compréhensions sur ce qui se passait au niveau du corps, il répondait parfaitement à mes questionnements au sujet de la méditation, et cet apprentissage restait dans un cadre bouddhiste.
Quelle fut votre première expérience ?
En une semaine de retraite – c’était incroyable – énormément de choses s’étaient débloquées et surtout en méditation : depuis longtemps j’avais l’impression que le calme mental que j’expérimentais était un calme mental où le corps n’était pas engagé même si je maintenais une posture très correcte. Le mental s’apaisait, mais je ne me sentais pas vraiment dans un calme profond. Avec Kum Nyé, j’ai senti que quelque chose se passait. Le calme mental avait un autre goût parce qu’il y avait un travail qui détendait le corps – et ce faisant l’esprit. Le mental se détendait beaucoup plus facilement. Ce n’était plus du tout quelque chose de forcé. C’était une révélation en quelque sorte et puis un bienfait immense. L’expérience était nouvelle, comme découvrir un nouveau pays, des nouvelles saveurs. Et ce qui m’a marquée surtout, c’était cette détente profonde qui s’installe avec simplicité. Ce genre de constat est assez commun parmi les pratiquants de Kum Nyé.
C’est vraiment si simple. Quelquefois, je me demande comment j’ai fait pour passer à côté de mon corps pendant tant d’années.
Vous êtes maintenant enseignante de Kum Nyé, comment décrivez-vous ce yoga ?
Au niveau de l’esprit de cette pratique, Kum Nyé reste un yoga très méditatif. Nous travaillons à détendre le corps pour favoriser un certain calme (« stillness ») dont Tarthang Tulku dit que c’est un état naturel qui ne peut ni se fabriquer ni se « tenir ».
Par rapport à un autre yoga plus classique, nous travaillons beaucoup dans la lenteur, et nous revenons régulièrement dans la posture assise – ce qui fait à mon sens la spécificité de Kum Nyé – parce qu’on privilégie avant tout le fait d’apprendre à ressentir et de “rentrer dans le ressenti”.
Il y a une forme de méthodologie pour apprendre à se relier à son corps, pour connaître son langage.[…]”
Suite de l’entretien dans Sagesses Bouddhistes Le mag Automne 2023.