Le yoga tibétain Kum Nyé, Entretien avec Sandy Hinzelin
Sagesses Bouddhistes le Mag, Printemps 2021, p.60-65. Propos recueillis par Philippe Judenne (extraits)
C’est à partir 8ième siècle que les connaissances de l’Inde – dont les théories de la médecine Ayurvédique, ont été peu à peu introduites, adaptées, assimilées et transmises jusqu’à nos jours par la culture tibétaine. La relaxation Kum Nyé s’est développée conjointement avec d’autres pratiques médicales comme une manière de soigner le corps. Elle utilise des techniques de respiration, d’automassage, des postures spécifiques et des mouvements pour équilibrer les humeurs et libérer les blocages de l’énergie à tous les niveaux de l’être. Par sa capacité à prendre soin du corps et à calmer l’esprit et les émotions, Kum Nyé était aussi utilisé par les pratiquants bouddhistes comme un préliminaire à la méditation et à d’autres pratiques yogiques avancées. De nos jours, elle peut être pratiquée de manière très douce, à tout âge, sans aucune prédisposition physique requise, et s’établir dans une pratique débutante d’un mieux-être et plus si affinité…
Nous avons pris contact avec Sandy Hinzelin, instructrice de Kum Nyé et par ailleurs docteure en philosophie et chercheuse associée au PHIER (Université Clermont Auvergne). Elle a écrit « Tous les êtres sont des Bouddhas » (Sully 2018), « Les douze lois du karma » (Jouvence 2021, avec Anaka), et œuvre à la traduction des ouvrages de Tarthang Tulku.
Dans les années 70, Tarthang Tulku qui avait eu un père lama et médecin, a donné formellement les premières instructions de la relaxation Kum Nyé à ses étudiants américains. Pourquoi ?
Lorsque Tarthang Tulku a commencé à enseigner en Californie, ses étudiants manifestaient beaucoup d’intérêt pour la spiritualité et s’interrogeaient sur la méditation, le karma, la conscience, la présence, la réincarnation… Il lui a alors semblé que ses étudiants ne savaient pas se relier à leur propre corps, ce qui rendait difficile la compréhension intime des enseignements où nous découvrons l’état naturel vivant et fluide du corps, de l’esprit et de l’énergie. Tarthang Tulku a introduit Kum Nyé pour permettre de travailler avec le corps, et favoriser ainsi le discernement de l’état naturel et de la pratique méditative.
Kum Nyé peut être pratiquée de manière très douce, à tout âge, sans prédisposition physique ?
La plupart des exercices ne sont pas très difficiles physiquement. Il n’est pas nécessaire d’être absolument souple ou d’être un athlète. De plus, même si certains mouvements ne peuvent pas être effectués, il est toujours possible de « faire quelque chose » puisque l’essentiel de la pratique est de ressentir ce qui se passe en nous. La posture physique est plus un prétexte pour approfondir notre perception qu’une fin en soi.
Comment s’entraîner aux contacts des sensations ? Quel est le progrès ?
La priorité dans Kum Nyé est d’enrichir notre expérience par les ressentis. En effet, ce qui caractérise l’état ordinaire de la conscience est d’être presque exclusivement dans le mental, et la majorité de nos problèmes viennent de là. Or quand on observe bien, une telle attitude traduit un manque de richesse au niveau de l’expérience intérieure. Donc si nous souhaitons une certaine pacification mentale qui soit naturelle, sans efforts, il est nécessaire de cultiver les sensations et les ressentis. Lorsqu’un minimum est déjà mis en place, il sera ensuite possible de travailler plus finement avec la respiration et d’approfondir d’autres aspects de l’expérience.
[…] Suite de l’entretien dans Sagesses Bouddhistes Le mag printemps 2021.